lundi 9 septembre 2019
Frères humains qui après nous vivez,
N'ayez les cœurs contre nous endurcis
Car si pitié de nous avez
Dieu en aura plus tôt de vous mercis
François Villon (La ballade des pendus)
Truman Capote – De sang froid.
Un volume de 500 pages écornées, et jaunies, c'est tout juste s'il ne sentait pas un peu la poussière. C'est un mauvais début pour lire un classique du XX°s un immense succès de la littérature américaine
Des débuts difficiles avec de longues descriptions qui n'en finissent pas. Il faut attendre quelques dizaines de pages pour rentrer dans le livre.
Une histoire vraie d'un riche fermier du Kansas, assassiné avec sa femme et ses deux enfants, pour un motif inexpliqué.
La police fait une enquête très approfondie avec de nombreux effectifs dans un profond malaise qui marque aussi bien les policiers que les suspects.
Truman Capote a voulu faire sa propre enquête en s'installant sur place pour questionner les gens du pays et les lieux du drame. Il en a fait une grave dépression dont il ne s'est jamais remis.
L'enquête n'en finit pas, et les responsables sont polarisés par le manque de résultats. Ils ont perdu le goût de boire, de manger et des convenances sociales.
C'est comme les touristes occidentaux non initiés à l'opéra de Pékin qui ne comprennent rien au folklore, à l'histoire et à la mythologie de la Chine. Il ne leur reste plus qu'à se laisser porter par les costumes, les danses et la mise en scène C'est vrai aussi pour le théâtre patoisant des Tones à Bruxelles qui reprend les mythes populaires du pays.
Nos enquêteurs ayant tout épluché, il ne leur reste plus qu'à se laisser guider par les circonstances.
Sur dénonciation d'un ancien détenu les coupables sont retrouvés, ils avouent leur crime et sont jugés au tribunal. Et c'est là que chacun est obligé d'affirmer sa position :
- une certaine indulgence pour deux jeunes paumés quelque soit l'horreur du crime
- Qui sommes nous pour condamner quelqu'un la peine de mort ?
- Sommes-nous capables de pardonner ?
Les juges, les avocats, les gens du pays, les policiers sont interpellés par ces deux jeunes à qui la vie n'a pas fait de cadeaux. Vivant d'expédients, de vol et de viol, dans des conditions familiales difficiles, un enchaînement de circonstances les a conduits au pire.
Maintenant que le jugement est rendu et confirmé en appel, c'est la peine de mort. Chacun est invité à se prononcer. Les uns pratiquent le pardon, d'autres crient à la vengeance, d'autres enfin reconnaissent que ces deux jeunes ont eu une vie difficile, une jeunesse très dure dans la violence, la brutalité, la pauvreté le manque d'amour et la frustration affective, la méconnaissance de ce qui est bien ou mal. Ce n'est plus de l'ordre de la justice mais de la psychanalyse. La seule question cruciale qui se pose, comment accepter l'idée de tuer quatre personnes d'une famille pour 45 dollars.
Le récit de la mise à mort nous renvoie dos à dos, le bourreau, les juges, les enquêteurs et nous-mêmes, face à nos responsabilité.
Truman Capote a su nous partager les hésitations des uns et des autres. Le petit livre défraichi va reprendre sa place sur les étagères de la bibliothèque universitaire en espérant que d'autres lecteurs l'apprécieront.
Peut-être qu'un éditeur courageux pourrait en faire une réédition en grand format illustré pour l'anniversaire de sa première édition.