|
Yves prigent
13/01/2021 10:01
Yves Prigent – L'expérience dépressive.
Je dis que l'ivrogne a raison de ne pas accepter la vie en noir et blanc de chercher à la barioler de tourtes les couleurs de l'arc en ciel, et d'autres encore qu'il a inventées quand il est saoul.
On peut bien sûr dire que l'ivresse n'est pas indispensable; je ne suis pas de de cet avis; je plains ceux qui ne tiennent pas l'ivresse pour leur état optimum, "optimisé", leur état naturel. C'est qu'ils n'ont jamais été ivres, joyeusement, pleinement, souverainement, qu'ils n'ont pas connu ces grandes joies du de dans et du dehors, du moi et du monde, de l'esprit et de la chair, des uns et des autres, qu'ils n'ont jamais goûté à ces instants où rien ne pèse, où tout danse, ou rien ne grimace, où tout sourit, où rien ne coûte, où tout est donné gracieusement, où "trois paysans passeront et vous paieront" comme dit la chanson de Prévert.
Ceci bien posé qu'ils ont bien raison de revendiquer cette vie non plate, à trois ou quatre dimensions, je me permettrai de leur faire gentiment remarquer qu'ils ont tort d'utiliser l'alcool pour parvenir à leurs fins parce que cela finit par abrutir et qu'il vaut mieux essayer de trouver ces grandes noces jubilatoires par d'autres moyens. On peut par exemple se tirer des feux d'artifices intérieurs, faire jouer les grandes orgues du désir et du plaisir, les fanfares claironnantes de tout le corps, ouvrir largement les portes et les grilles de la grande ménagerie intérieure, et peut-être plus subtil mais tellement plus jubilatoire dire oui quand c'est oui, et non quand c'est non, vraiment, profondément.
| |